De fil en aiguille

 

Lettre 42 - 9.10.2011


Avertissement au lecteur : La méthode des cas, que nous utilisons, ne demande pas à l’auteur des cas de se prononcer, mais au contraire de laisser le lecteur se faire une opinion par lui-même.

Le cas ci-dessous est intrigant, dans la mesure où tous les acteurs du monde académique ont été concernés tour à tour.

Il est surtout impressionnant, car aucun de ces acteurs n’a faibli dans sa détermination déontologique.

• Acte 1 : Le FNR du Luxembourg détecte un cas de fraude scientifique

Dans le contexte d’une expertise dans le cadre de l’attribution de subsides, l’un des experts alerte le FNR de l’existence de suspicions de manipulations frauduleuses concernant au moins deux articles publiés par C. C.

C.C. est l’auteur de 149 articles, dont de nombreux dans d’excellentes revues.

Les journaux concernés sont excellents : Cell, considéré comme le meilleur du domaine et les autres de très bonne réputation.

Les résultats sont visiblement falsifiés puisqu’ils contiennent des bandes identiques, obtenues par copié-collé d’une seule et même bande.

C. C. est « corresponding author » des papiers incriminés. Cela implique qu’il a pris la responsabilité de la véracité.

Le FNR est alors exemplaire en regard de sa responsabilité statutaire. Il réagit de façon déterminée face à la suspicion en créant une commission ad hoc. Si la fraude avait été découverte ultérieurement, lorsque d’autres équipes auraient tenté de refaire les expériences, le préjudice pour la communauté scientifique aurait été plus important encore.

• Acte 3 : Les journaux scientifiques retirent les articles incriminés

Pour ces trois papiers, T.D., étudiante en thèse au moment de la rédaction des articles est premier auteur. T.D. a reconnu dans un document daté de mai 2010, être responsable de toute une série de manipulations de données, affectant 6 de ses publications sur un total de 10.

Les articles scientifiques directement concernés par la fraude sont retirés sur décision des éditeurs des revues scientifiques informées des problèmes.

C’est ennuyeux pour les coauteurs, qui sont nombreux comme c’est souvent le cas en biologie : jusqu’à sept chercheurs ont leur nom associé à ces publications prestigieuses.

Le fait d’être ainsi associés à des articles retirés pour résultats faussés ou inventés peut sévèrement porter préjudice à leur réputation et ils doivent les retirer de leur curriculum vitae.

• Acte 4 : Le FNR retire à CC ses subsides de recherche

C.C. se défend toujours en arguant de la culpabilité de son ancienne étudiante T.D.

Le FNR retire son appui financier C.C. Sans subsides du FNRS, un scientifique, directeur de laboratoire, n’a pas les moyens de travailler convenablement.

• Acte 5 : L’université du Luxembourg congédie CC

L’université du Luxembourg, qui a mis en place un groupe chargé d’examiner les faits, informe de manière laconique le 15 juillet 2011, la révocation de C. C.

Voir communiqué de l’université du Luxembourg

• Acte 6 : L’université de University of Eastern Finland conclut

Puisque TD, accusée dans ce cas était doctorante de cette université, une commission est créée en toute transparence et rend ses conclusions dès le 31 août 2011.

Voir communiqué de University of Eastern Finland

Nous voici donc revenus au point de départ de toute démarche scientifique : la responsabilité de tout dirigeant de thèse ou de travaux.

Tout commence, en effet, au cœur même des laboratoires et des séminaires de recherche doctoraux, lorsque nous transmettons à notre relève nos valeurs les plus profondes.