Parution 16.09.2014  - Lettre 57
Conclusion 25.10.2014 - Lettre 58  

Touch'pas à mes slides 

Chaque mois, ou presque, nous recevons des lettres de collègues choqués parce qu’une personne ou une institution s'est emparée de leurs "slides" ou autre objet didactique d'enseignant.

Oui, concevoir un cours est bien une oeuvre de l'esprit. C'est bien souvent des heures de recherches qui se trouvent derrière chacun de nos "slides", exercices ou notes de cours. Certes, nous donnons avec générosité notre savoir à nos étudiants. Mais de là à les donner à des collègues sans scrupules qui ne feront plus que les raconter en cours, il y a un pas important.

Et, quand c'est un établissement privé ou public qui place son © sur nos slides, nous n'apprécions guère.

Merci de répondre à cette qustion après avoir lu le cas ci-dessous :

• Savez-vous à qui appartiennent vos slides pédagogiques ? 

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Conclusion du cas (pour la France)

Parution 26.10.2014 - Lettre 58

Merci à Patrice Brun de cette documentation.

La réponse à notre question a été fournie par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux qui a donné raison à une plaignante qui demandait que lui soit reconnue la paternité de ses écrits et que soit condamné l'auteur d'un ouvrage publié postérieurement et reprenant 10% de ses cours.

Pour sa défense, la personne mise en cause arguait du fait que l'université était propriétaire des documents rédigés par ses enseignants.

Nous lisons dans le jugement de septembre 2012

Le Tribunal a considéré que, en vertu de l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur jouit d'un droit moral sur son oeuvre perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il ne saurait être soutenu qu'un cours d'université n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur, alors que l'enseignant, s'il collecte parmi d'autres ouvrages la matière de son cours, l'ordonne, la développe, la commente selon sa conception et sa pédagogie personnelles qui font d'ailleurs sa plus ou moins grande notoriété, et illustre son sujet par les exemples qu'il juge les plus appropriés.

xxx est rémunérée, en dehors de ses heures de cours, pour la rédaction d'un tel cours, et tous les professeurs qui rédigent des cours diffusés aux étudiants sont mentionnés comme auteurs, avec distinction de chaque partie lorsqu'un cours est conçu de manière collective par plusieurs auteurs.?xxx est donc parfaitement recevable à agir pour la protection de son droit moral en qualité d'auteur de ses cours.

 

L’auteur convaincu de plagiat a ensuite été débouté en appel.

Comme il était contesté que la plaignante présente des tableaux comparatifs des preuves comme nous le préconisons (utilisés par exemple dans ce cas en 2011), le Tribunal a établi :

Nous lisons dans le jugement de juin 2014

Il ne peut être valablement soutenu que les ressemblances mises en évidences dans le tableau comparatif établi par xxx ressortent d’une manipulation des textes de comparaison alors que le fait que les similitudes en causes ne soient pas toujours situées dans les deux textes dans des paragraphes correspondants n’exclut aucunement la réalité de leur existence, telle qu’elle ressort de la comparaison des documents soumis au litige.

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 Parution 16.09.2014  - Lettre 57

PowerPoint ou trois portes ouvertes au pillage

de : Alain Lempereur
Brandeis University, Heller School for Social Policy and Management 

Depuis 1995, comme professeur, j’use de présentations PowerPoint (PPT). En les diffusant auprès de mes étudiants, assistants et collègues, j’ai grand ouvert la porte aux abus.

En préparation de conférences ou d’articles, avant de mettre mes idées sur papier, je les teste souvent en classe.  Par habitude, je conçois des présentations PPT sur les thèmes qui se retrouveront dans mes écrits. Les étudiants demandent souvent d’en disposer. Si par le passé, avant la révolution verte, j’imprimais des versions papier, aujourd’hui, j’envoie des versions électroniques. Sans avoir pris le temps de les protéger en PDF, j’avoue en avoir disséminé beaucoup en version PPT. C’est une première porte ouverte aux abus, car certains étudiants deviennent assistants, voire plus, négligeant la source de « leurs idées ».

Pendant 16 ans, pour décliner mes cours en sections, j’ai dû former environ 70 assistants, à qui je procurais des présentations PPT non plus isolées, mais en série, lesquelles faisaient corps avec mes plans de cours. Ils disposaient ainsi de « résumés » de mes articles, voire de mes livres. Dans « mes » PPT, je prenais soin de citer mes sources, mais peu de me citer… Certains assistants d’enseignement s’habituèrent à substituer leur nom au mien sur la première diapositive sans rien changer d’autre. Tant que je supervisais ces cours donnés chaque année à des milliers de participants en formation première et continue, cette situation m’incommodait, mais je m’en accommodais. J’avais même décidé de mettre nombre de PPT sur YouTube, car je voyais dans une large diffusion la meilleure protection.  Par manque de vigilance, j’avais toutefois ouvert une seconde porte aux abus, car certains assistants s’appropriaient mes contenus à loisir, se méprenant pour leur auteur.

En quittant l’institut que j’avais fondé et la direction de nombreux cours, je n’avais guère imaginé, peu méfiant de nature, l’usage ingrat et indu des matériaux que j’avais rédigés. Mon nom d’auteur disparut insidieusement de la totalité de mes présentations PPT, mais aussi de mes « anciens » plans de cours. Le site Web de mon « ancien » institut, purgé, confine à l’amnésie. C’est comme si je n’avais jamais existé et que toutes mes créations intellectuelles appartenaient désormais non pas tant à tous, mais à certains « collègues » peu scrupuleux, opérant impunément au sein d’institutions honorables à l’insu de tous. J’ai même trouvé sur Internet une photo de « collègue » paradant devant une de mes présentations. Sans avoir ouvert cette porte, j’en attends sa fermeture par qui de droit.

Ma confiance naïve est à blâmer, mais je n’oublierai pas de sitôt comment elle fut trahie par la malignité habile et patiente de petits Julien Sorel sevrés à mes diapositives PPT.